dimanche 20 décembre 2009

Sahara et festival


Le festival de littérature de voyage de Rome, au mois d’octobre dernier, enfant naturel et méditerranéen d’Etonnants voyageurs de Saint-Malo, s’est déroulé sous les pins du parc de la société italienne de Géographie, la villa Mattei, ou villa Celimontana, derrière le Forum au milieu des basiliques paléochrétiennes. On y parvient à pied depuis la place de Venise, à travers les voies antiques qui déjà nous préparent au thème du voyage. Toute la Rome culturelle est là : son fondateur Antonio Malatesta, belle tête d’empereur romain, à la vaste érudition, Daria Galateria, professeur et critique, grande connaisseuse et passionée de la littérature française et de Sicile, Lorenza Foschini, fameuse journaliste de la télévision qui jouit du succès de son «Manteau de Proust», Marina Valensise, journaliste politique, élève de Furet, l’élégant romancier Alain Elkann, avec qui on peut parler d’amour, de désir et de plaisir pendant des heures, Michel le Bris, et sa fille, qui raconte Saint-Malo, Nicolas Bouvier, Alvaro Mutis et ses autres auteurs devant un public varié, passionné, gourmand. Nous découvrons la librairie du salon, raffinée, tenue par Bruno Barsanti, personnage du siècle des lumières qui a ouvert une librairie de voyage à Rome. Il remplit nos bras de livres, d’auteurs, de découvertes, de pays inconnus… Rencontre et passionnante discussion avec l’écrivain anglais Jason Elliot qui voyage en Iran et Afghanistan…Et aussi tard dans la soirée avec des auteurs, des éditeurs, ou de professeurs dont on n’a pas retenu le nom, qui vous susurrent d’autres noms d'auteurs, d’autres voyages, d’autres pays… J’apprends ainsi que la jeune maison d’édition Vagabonde, va publier un Voyage au Sahara d’un auteur américain hors norme, William Langewiesche. L’écriture de ce long récit qui vient de paraître est le résultat des nombreux voyages qu’il a effectués en Algérie, de 1990 à 1993, alors qu’il était pilote professionnel et jeune reporter, puis au Niger, au Mali et au Sénégal. Il se trouvait à Alger lors des prémices de la “ révolution islamiste algérienne ” menée par le Front islamique du salut (FIS) et sa branche armée, le Groupe islamique armé (GIA). Il y est resté plusieurs mois avant d’en suivre l’onde de choc et les répercussions dans l’espace saharien. Du Sahara, il raconte les destinées singulières d’hommes et de femmes dont il a croisé le chemin. En bon américain, il constate que le désert est aussi vaste que les États-Unis et si aride que la plupart des bactéries ne peuvent y survivre ...Il parcourt ces vastes étendues en voiture, en taxi, en camion, par bateau et en train, et nous décrit l’étonnante hospitalité des habitants, leurs richesses visibles et enfouies. Touaregs, expatriés, voyageurs, nomades sédentarisés, marchands, rebelles et populations soumises à l’hostilité de “cette partie invisible du monde ” composent ainsi une fresque qui donne au Sahara un autre dimension et un nouvel imaginaire. L’auteur la qualifie de "traversée absolument anti-romantique, loin du sentimentalisme qui généralement encombre les esprits de ceux qui ont parcouru ce désert». C’est avant tout un homme curieux, toujours prêt à s’étonner, principales qualités du voyageur! Il a été finaliste du National Book Award en 2002 pour son livre « American Ground, Unbuilding the World Trade Center », qui rend compte de la déconstruction des tours de façon très originale. Les Balkans, l’Inde, le Mexique, l’Amérique du Sud, le Pakistan et la Russie sont d’autres territoires explorés par William Langewiesche. « Cargos hors la loi, un monde de crime et de chaos » (2004), vaste enquête sur la piraterie et l’anarchie régnant sur les océans du monde, a été salué comme l’une des grandes enquêtes publiée ces dernières années. “J’aimerais retenir l’attention des lecteurs avec des sujets inattendus, les emmener là où ils ne se rendront vraisemblablement jamais et poursuivre cette idée que notre monde n’est pas en train de devenir plus étriqué, mais au contraire, malgré l’uniformité dont il semble affligé, qu’il y subsiste les restes tenaces d’une expérience humaine infiniment riche et variée. ”
William Langewiesche, « Sahara dévoilé, un voyage à travers le désert », 320 pages, Vagabonde, 21 euros

mardi 1 décembre 2009

Les Grimaldi de la côte...


Ce n’est pas d’hier qu’on parle de Monaco et de ses princes, mais que de racontars autour de l’histoire de cette famille Grimaldi, que de légendes relancées par des ouvrages et des articles à sensation ! Les Grimaldi sont une noble famille génoise de commerçants, marins et banquiers comme toutes les grandes familles de cette république patricienne et maritime: Doria, Grillo, Pallavicini, Durazzo ont formé une des plus riches noblesses de toute l’Europe. Très tôt les Grimaldi se sont tournés vers les côtes provençales pour se constituer des fiefs et des domaines. En 1297, ces patriciens guelfes, s’emparent au détriment des Gibelins qui dominaient alors Gènes de la seigneurie de Monaco, concédée par privilèges impériaux à la république de Gènes au XIIe siècle. Après des conflits avec les comtes de Provence, des luttes entre la République et les Grimaldi, ceux-ci sont reconnus comme seigneurs de Monaco définitivement en 1419 , fief dont ils ne rendent hommage à personne. Ils accroissent leur domaine des seigneuries de Menton et Roquebrune, sous souveraineté du duc de Savoie en 1448. En 1309, ils achètent la seigneurie de Cagnes, puis en 1383 celle d’Antibes et édifient les châteaux qui sont aujourd’hui les musées de ces cités. En 1524, l’Espagne toujours soucieuse de posséder des ports et des escales pour ses vaisseaux rejoignant ses possessions italiennes conclut le traité de Burgos avec Augustin Grimaldi, seigneur de Monaco, évêque de Grasse et abbé de Lérins qui leur conféra un protectorat en échange de nombreuses possessions en Espagne et à Naples. Richelieu toujours soucieux de nuire à la maison d’Espagne réussit à convaincre Honoré II Grimaldi de substituer un protectorat français au protectorat espagnol par le traité de Péronne de 1641. Et pour le dédommager de la perte de ses biens espagnols, Louis XIII lui donna le comté de Carladés, l’antique baronnie des Baux en Provence érigée en marquisat en 1642. Le duché-pairie de Valentinois leur fut concédé en 1662 par Louis XIV. Les Grimaldi prennent alors le titre de princes souverains de Monaco, que le Roi leur reconnaît, en échange d’une garnison française qui se tint sur la forteresse et le rocher jusqu’à la Révolution. La famille s’éteignit, dans cette branche, avec deux filles dont l’aînée épousa Jacques-François-Léonor de Gouyon-Matignon, comte de Thorigny qui fut substitué aux noms et armes de Grimaldi et créé à nouveau duc et pair de Valentinois par Lettres patentes de 1715. Ce n’est donc pas la plus vieille dynastie d’Europe comme on l’entend sur toutes les ondes, d’autant que cette deuxième race de Grimaldi s’éteignit récemment avec la comtesse Pierre de Polignac mère du prince Rainier III. Mais les Grimaldi des autres branches subsistaient à Gènes, en Espagne, en Sicile et en Provence où se trouvait la branche d’Antibes, les plus proche parents des Monaco. Henry IV avait racheté Antibes pour y créer un port et y tenir garnison à sa guise et en échange Cagnes fut érigé en marquisat pour cette branche en 1646. Sauveur-Gaspard de Grimaldi, marquis de Cagnes (1735-1816), officier de marine protesta à la mort du dernier des Grimaldi-Monaco auprès des cours de Paris et de Vienne et fit un procès au duc de valentinois pour se faire reconnaître comme prince de Monaco en février 1761, selon une tradition salique inventée pour la cause. Il perdit son procès et Louis XV lui accorda une pension de… 2.000 livres en dédommagement! Il prit fièrement le nom de « Grimaldi d’Antibes, des princes de Monaco » comme son frère Louis-André de Grimaldi (1736-1804), évêque de Noyon, pair de France, prélat assez débauché du siècle des lumières. Ils léguèrent leurs droits sur Monaco à leur cousin le marquis de Grimaldi-Cagnes dont le fils protesta officiellement contre les droits du prince de Monaco en 1856…. mais c’était trop tard. Monaco annexé par la république française pendant la Révolution ressuscita au Congrès de Vienne en 1815 toujours avec l’appui de la France, ce que n’obtinrent pas les princes de Piombino en Italie, notamment. Amputé de Menton et Roquebrune par la maison de Savoie en 1848, Monaco demeura toujours l’allié de la France même si sa position stratégique ne fut plus la même quand elle fut circonscrite dans le nouveau département des Alpes-maritimes.

Illustration : Le musée Picasso d'Antibes est une ancienne forteresse des Grimaldi, seigneurs de Monaco, Antibes et Cagnes sur la côte provençale.