jeudi 29 juillet 2010

Sole Luna : un pont entre les cultures




La Sicile, chacun le sait, est un modèle dans l’histoire… ancienne. On ne se lasse pas avec Benoist-Méchin et son Frédéric de Hohenstofen de se plonger dans le passé bigarré de cette île et de respirer les vents qui ont amené de tous les coins de la Méditerranée, les Grecs, les Carthaginois, les Arabes, les Normands, les Provençaux, les Catalans. Tous y ont laissé des témoignages artistiques, littéraires, scientifiques d’une civilisation flamboyante. Il était donc bien normal que Lucia Gotti Venturato, installe à Palerme un Festival international de documentaires sur la Méditerranée et l’Islam : «Sole Luna, un pont entre les cultures». Elle dit elle-même en parlant de son festival : « Le soleil et la lune… ce binôme antithétique, comme le jour et la nuit, le masculin et le féminin, le père et la mère, l’orient et l’occident, représente en réalité les extrémités d’un pont qui pour pouvoir assumer son rôle doit être traversé et retraversé de manière continue ». Cette belle et élégante femme, originaire de Vénétie a travaillé dans les couloirs de la chambre des députés à Rome, s’occupant de d’éducation et de politique extérieure. Elle a délaissé cette carrière pour suivre sa passion des rencontres et d’une autre Italie, ouverte à toutes les cultures méditerranéennes et islamiques. Que de riches découvertes depuis cinq ans ! Cette année, le festival était encore mieux organisé, dans un lieu magique qui a succédé à d’autres lieux magiques, le cloître de Sant’Anna et les cours de la galerie d’art moderne de Palerme, dans le vieux quartier de la Kalsa, à deux pas du marché de la Vucceria et de l’antique foccaceria de S. Francesco, un des meilleurs restaurants traditionnels de Palerme. Au milieu des églises, chapelles et oratoires décorés par le génial sculpteur baroque Serpotta, dont la bellissime statue de la Vérité à S. Lorenzo est le point de départ du roman de Vicenzo Consolo, Retable… Nous sommes aussi à deux pas des palais décrits par Leonardo Sciascia dans Le Conseil d’Egypte, peut être son meilleur roman sur la Sicile et le XVIIIe siècle… Dans cet environnement qui porte à la joie dès le matin, nous avons assisté aux projections et rencontres de Sole Luna 2010. Pendant une semaine, les membres du jury, les amis se croisent avec un public de jeunes, de cinéphiles et de Palermitains aux projections, aux concerts, conférences et causeries. Gabriella d’Agostino, la célèbre anthroplogue italienne est la présidente du comité scientifique, où figurent le génial artiste américain James Turrell, qui a créé l’année dernière une installation en Sicile, le directeur du Pergamon de Berlin, Claus Peter Haase, ou le metteur en scène Marco Bertozzi. Dans le jury de cette année l’assyriologue Franco d’Agostino, le compositeur français Robert Cahen, la cinéaste libanaise Carol Mansour, Kevin Dwyer, anthropologue américain, spécialiste du cinéma et du Maroc. Le prix « Un pont entre les cultures » a été décerné ex-aecquo à «In colore» de Fabrizio d’Agostino qui raconte l’histoire de l’équipe de basket du Lazio, exemple de solidarité et d’amitié, et « Circling the house of God » de l’américain Ovidio Salazar, extraordinaire parcours d’un médecin anglais converti à l’Islam et qui fit son pélérinage à la Mecque en 1948. Parmi les autres prix, celui du meilleur montage a couronné « Jaffa the orange clockwork », coproduction franco-israélo-belge qui dénonce la captation des orangeraies palestiniennes millénaires de Jaffa par les Israéliens et la création de la marque Jaffa qui fut la seconde marque mondiale après Coca-Cola, symbole de l’énergie et de la jeunesse d’Israël autour du mythe fondateur sioniste : « Nous avons fait refleurir le désert » ! Le prix spécial du jury est allé à « A cold land » de l’Iranien Shahriar Pouseyedian, partagé avec l’Italien « Il colore delle parole ». Marco Simon Puccioni traite de l’assimilation des africains en Italie et raconte l’histoire d’un poète et médiateur camerounais, Ndjock Ngana, qui nous dit : «Je rejette les mots intégration et étrangers. Il s’agit de vivre ensemble. Il n’y pas d’étrangers, il n’y a que des hommes ». Ce film a reçu également le prix de la Fondation de Nina zu Furstenberg « Dialogues on civilization ». Un moment de paix et d’échanges qui a pu nous faire croire que le temps était suspendu et qu’on était à la cour de Palerme au XIe siècle. Puisse Lucia Gotti Venturati poursuivre ce chemin et accroître encontre l’idée braudélienne qui est la sienne qu’il faut partager les valeurs communes du monde méditerranéen plutôt que d’exacerber les différences !