Les revues hebdomadaires généralistes françaises sont soumises au diktat de la médiocratie de la presse : toute l’année ronde nous avons droit à la vie sexuelle des Français, au classement des hôpitaux, aux écoles de nos enfants, au salaire des fonctionnaires, etc…à droite comme à gauche. Les revues littéraires, artistiques ou plus généralement culturelles sont également souvent bien monotones. On découvre vite, passé l’intérêt de la première rencontre, la découverte des auteurs et des textes, l’enthousiasme envers la qualité des photos ou des illustrations, la trame, comme au théâtre lorsque l’œil glisse dans la coulisse. Le choix des sujets est issu du consensus, du conformisme, du marketing. On se fiche de l’opinion de Bernard-Henri Lévy sur la guerre d’Irak, ou la critique de tel auteur bien pensant contre le pape, la guerre en Tchétchénie… un peu d’imagination, de goût, de distance et de perspective que diantre ! De liberté ! Foin des copinages et renvois d’ascenseurs, des nominés et des primés. Saveur, intelligence, non-conformisme sont des mots qui trouvent une résonance dans la revue Conférence, qui a pour exergue une phrase de Montaigne : « Le plus fructueux et naturel exercice de notre esprit, c’est à mon gré la conférence… La cause de la vérité devrait être la cause commune… ». Cela donne de l’appétit. La revue a un format de livre, petit in octavo, un peu carré, imprimé sur papier bible chez Darrentière à Dijon avec une mise en page aérée, une typographie soignée, vrai travail d’impression qui déjà nous met en contact avec un bel objet. A l’intérieur alternent poésie, littérature, philosophie, des textes d’écrivains vivants ou morts, oubliés ou fameux. Des photographies, des gravures, des reproductions de peintures encadrent les haïkus, les essais et documents, les auteurs étrangers. Le dernier numéro de Conférence s’ouvre sur trois lettres de Pascal Riou qui fustige l’illusion contemporaine :
« Soyons donc hédonistes, efficaces ; assumons, quoi !
Donc la mort sans rituel, l’homme
sans destin, la vie sans provenance
(traçabilité des poules/anonymat des pères)
ma main mise sur tout : le sperme, l’ovocyte,
l’organe du mourant, l’enfant juste conçu… »
Ouf ! cela décoiffe, on n'avait plus l’habitude d’écrits qui réclament la tendresse, l’amour et la fraîcheur. Des récits de voyages, des passages de journaux nous emmènent loin, et tout près. Christophe Carraud qui dirige cette revue est un des auteurs majeurs avec feu Maurice Chappaz, beaucoup d’auteurs italiens, des références à la Grèce antique, la chrétienté, notre culture classique. C’est une réflexion sur le temps présent, mais, répétons le, sans aucun souci d’actualité ou de mode, guidée par le cœur et l’esprit. De bonnes raisons pour s’abonner à cette revue si différente comme notre 11ème blog…
Revue Conférence, semestrielle, paraît au printemps et à l’automne, rédaction et abonnements : 1, route Nationale, 77440 Trocy-en-Multien. Abonnement pour un an = 45 Euros. Le numéro 29 vient de paraître.
La revue Conférence publie également des ouvrages de bibliographie qui s’adressent à des esprits libres, typographiés et imprimés avec le même soin : « Dans cet espace, le bruit de la communication menace la qualité de la parole ; la production en série, le sens de l’habitation humaine ; la vitesse des échanges, la persévérance de l’esprit et la beauté du geste. » Site : http://www.revue-conference.com
L'illustration d'Yves Noblet, Paysage à Quimperlé, huile sur toile, 1985, figure dans le numéro 28.
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