Quand on reprochait son ivrognerie au vicomte de Mirabeau, dit Mirabeau-Tonneau, frère cadet de « l’Orateur du peuple », il répondait « De tous les vices de la famille, c’est le seul que mon frère m’ait laissé… ». C’est un homme terriblement complexe dont viennent de paraître « Mes repas ou la vérité en riant et autres facéties », une série de textes que le député à l’Assemblée nationale publia avec grand succès à cette époque bénie des pamphlétaires et des satiristes. Mirabeau-Tonneau, colonel du régiment de Limousin, un des chefs du parti « aristocrate » à l’Assemblée avait un physique et un caractère propres à la caricature : ce fut une des têtes de turc des journaux révolutionnaires. Dans sa Prophétie du mois d’octobre 1791, le Père Duchesne annonce : « Viens jean-foutre, viens bougre de Riquiqui l’aîné, viens donc maintenant avec ta face hypocondre et allongée, balancer ton frère Riquiqui-Tonneau, autre jean-foutre, et un foutu viedase, pendant que toi même, foutu hypocrite, lèves le pied et lâches la mesure … je veux que le rabat du pape me serve de genouillères et qu’une charretée de hussards fasse la soupe dans le ventre de son coquin de frère, et que le diable après emporte la marmite au cinquante-cinq foutre, si les deux ne font la paire et le jean-foutre n’a reculé, que pour mieux sauter » ! Fréron le jeune monta « l’Orateur du peuple » contre lui et Camille Desmoulins en fit son ennemi juré dans son journal « Les révolutions de France et de Brabant » où il publia plusieurs caricatures et anecdotes injurieuses. Ce Tribun-cadet s’empiffrait et buvait comme dix, multipliait les effronteries et les affrontements, imprimait et distribuait des libelles, intervenait à l’Assemblée à tout propos et de façon fantaisiste, raillant sans cesse ses collègues, amis et ennemis.
On peut regretter des inexactitudes dans le texte et ses commentaires. Ainsi p. 250, ce n’est pas le comte de Choiseul-Goussier mais Gouffier ! qui fut ambassadeur à Constantinople et comme l’a montré la passionnante exposition du musée Calvet d’Avignon cet été, un remarquable dessinateur. A la fin de l’introduction, Antoine de Baecque résume en quelques lignes un peu bâclées la fin du vicomte : c’est bien au début du mois d’août 1790 que le vicomte de Mirabeau rejoignit les émigrés, mais ce qu’il appelle la « petite armée contre-révolutionnaire de Condé » n’était pas basée à Coblence où se trouvaient les frères du Roi Louis XVI et l’armée des Princes. L’armée du prince de Condé était à Worms. Mirabeau leva avec l’argent de sa femme la prestigieuse Légion de Mirabeau dont le comte de Neuilly dit dans ses Mémoires « Cette légion qui s’était couverte de gloire, était forte de 4 à 5.000 h, toujours au complet, ne manquant jamais de recrues. Les hussards portaient à leur shako une tête de mort blanche, large comme la main, avec des os en croix : on les appelait les hussards de la mort. C’était un brave régiment… partout où il chargeait, il faisait la trouée». La Légion s’établit à Ettenheim chez le cardinal de Rohan où elle se frotta au armées révolutionnaires sur la frontière d’Alsace, puis dans le Brisgau. Mirabeau-Tonneau provoque des escarmouches avec les armées révolutionnaires : une nuit il passe le Rhin, s’empare d’un poste et d’un village, fait des prisonniers et revient au petit jour sans avoir perdu un seul homme… les Autrichiens le convoquent en conseil de Guerre mais le Prince de Condé arrangera l’affaire… Contrairement à ce que dit le préfacier, Condé le lui retira jamais sa confiance… il avait au contraire avec lui des liens très particuliers, leur correspondance conservée aux archives du château de Chantilly a un ton de complicité, un naturel de fréres d’armes : « Ecrivez-moi sans compliments, lui dit le prince, on n'en a pas besoin entre nous autres gentilshommes et soldats ». Enfin ce n’est pas le 15 septembre 1795 mais 1792 que le cher vicomte mourut d’une attaque provoquée par huit jours de fièvre et de colère. Ce fut un immense désespoir « On aurait dit que chaque individu avait perdu le père le plus aimé, écrit le marquis de Toustain dans ses Mémoires… Son caractère était composé de grandes qualités et de grands vices : brave jusqu’à la témérité, généreux jusqu’au désordre, franc et loyal ; ayant infiniment d’esprit, il était doué d’une éloquence rare, de celle qui convient pour électriser les troupes. Mais très peu de moralité, de grands dérangements, la passion du vin et des liqueurs, un emportement extrême… ». C’est donc une initiative très heureuse que de rééditer les écrits de ce représentant d’une noblesse fidèle, un de ceux qui ont compris dès le début des événements que l’Ancien régime était tombé, que Louis XVI n’empêchera rien et que la Révolution emportera tout. « Ceux qui ont émigré étaient en désaccord formel avec un bouleversement politique qui portait atteinte à un état de choses considéré par eux comme intangible, voire sacré », écrit le duc de Castries. C’est l’honneur que le facétieux vicomte a constamment suivi au milieu de ses facéties et contradictions.
« Mes repas ou la vérité en riant et autres facéties », Edition présentée et annotée par Antoine de Baecque, Le Mercure de France, collection Le Temps retrouvé.
On peut regretter des inexactitudes dans le texte et ses commentaires. Ainsi p. 250, ce n’est pas le comte de Choiseul-Goussier mais Gouffier ! qui fut ambassadeur à Constantinople et comme l’a montré la passionnante exposition du musée Calvet d’Avignon cet été, un remarquable dessinateur. A la fin de l’introduction, Antoine de Baecque résume en quelques lignes un peu bâclées la fin du vicomte : c’est bien au début du mois d’août 1790 que le vicomte de Mirabeau rejoignit les émigrés, mais ce qu’il appelle la « petite armée contre-révolutionnaire de Condé » n’était pas basée à Coblence où se trouvaient les frères du Roi Louis XVI et l’armée des Princes. L’armée du prince de Condé était à Worms. Mirabeau leva avec l’argent de sa femme la prestigieuse Légion de Mirabeau dont le comte de Neuilly dit dans ses Mémoires « Cette légion qui s’était couverte de gloire, était forte de 4 à 5.000 h, toujours au complet, ne manquant jamais de recrues. Les hussards portaient à leur shako une tête de mort blanche, large comme la main, avec des os en croix : on les appelait les hussards de la mort. C’était un brave régiment… partout où il chargeait, il faisait la trouée». La Légion s’établit à Ettenheim chez le cardinal de Rohan où elle se frotta au armées révolutionnaires sur la frontière d’Alsace, puis dans le Brisgau. Mirabeau-Tonneau provoque des escarmouches avec les armées révolutionnaires : une nuit il passe le Rhin, s’empare d’un poste et d’un village, fait des prisonniers et revient au petit jour sans avoir perdu un seul homme… les Autrichiens le convoquent en conseil de Guerre mais le Prince de Condé arrangera l’affaire… Contrairement à ce que dit le préfacier, Condé le lui retira jamais sa confiance… il avait au contraire avec lui des liens très particuliers, leur correspondance conservée aux archives du château de Chantilly a un ton de complicité, un naturel de fréres d’armes : « Ecrivez-moi sans compliments, lui dit le prince, on n'en a pas besoin entre nous autres gentilshommes et soldats ». Enfin ce n’est pas le 15 septembre 1795 mais 1792 que le cher vicomte mourut d’une attaque provoquée par huit jours de fièvre et de colère. Ce fut un immense désespoir « On aurait dit que chaque individu avait perdu le père le plus aimé, écrit le marquis de Toustain dans ses Mémoires… Son caractère était composé de grandes qualités et de grands vices : brave jusqu’à la témérité, généreux jusqu’au désordre, franc et loyal ; ayant infiniment d’esprit, il était doué d’une éloquence rare, de celle qui convient pour électriser les troupes. Mais très peu de moralité, de grands dérangements, la passion du vin et des liqueurs, un emportement extrême… ». C’est donc une initiative très heureuse que de rééditer les écrits de ce représentant d’une noblesse fidèle, un de ceux qui ont compris dès le début des événements que l’Ancien régime était tombé, que Louis XVI n’empêchera rien et que la Révolution emportera tout. « Ceux qui ont émigré étaient en désaccord formel avec un bouleversement politique qui portait atteinte à un état de choses considéré par eux comme intangible, voire sacré », écrit le duc de Castries. C’est l’honneur que le facétieux vicomte a constamment suivi au milieu de ses facéties et contradictions.
« Mes repas ou la vérité en riant et autres facéties », Edition présentée et annotée par Antoine de Baecque, Le Mercure de France, collection Le Temps retrouvé.
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