Le billet de Robert Solé dans le Monde sur la publication des Mémoires et Journaux des ministres ou de leurs conseillers, quelques mois à peine après leur sortie de fonction, pose un vrai problème moral. Comme s’ils n’avaient accepté ces postes que pour écrire tous les soirs les révélations, secrets et trahisons de leur publication future. C’est parfaitement indécent. Surtout, c’est un manque élémentaire de pudeur. Et de sens de l’histoire. On ne peut apprécier la relation entre deux chefs politiques, un ministre et un conseiller, un éditeur et un écrivain, deux hommes tout simplement que sur le long terme, dans le contexte d’une vie, de journaux, correspondances ou mémoires de toute une vie. Les relations évoluent, comme les sentiments. L’amitié, l’amour, le combat commun laissent place à l’estime, la complicité, la haine, la jalousie, la rivalité, l‘indifférence, qui sait… C’est assez vulgaire et enfantin de publier de son vivant, il y a un côté tu vas voir… gnarf… gnarf…je vais enfin tout dire… et c’est prendre les autres pour des enfants de chœur. Mais cela marche très bien. Des livres vite écrits, vite lus, vite oubliés. Le contraire du Journal de Léautaud, des Lettres de Mme de Sévigné ou des Mémoires de Mme de Boigne. Ce problème moral n’intéresse personne en ces temps où le « Casse-toi » triomphe . Il y aussi le cas des Souvenirs publiés de leur vivant par des hommes illustres, écrivains, journalistes, artistes, qui veulent nous raconter leur vie. Pourquoi ne laissent-ils pas un manuscrit qu’on publierait après leur mort ? Publier de son vivant, c’est prendre le risque littéraire d’affadir ses propos, ses pensées, ses jugements par crainte des autres vivants. Le Journal édité des Goncourt, est ainsi très édulcoré par rapport au manuscrit. Quel est alors le besoin de publier de son vivant ? Une reconnaissance ? La pression de son entourage ou d’un éditeur ? Que dire des « Souvenirs curieux d’une espèce de Hongrois », de Georges Walter, journaliste mythique de notre adolescence ? Il faut lui reconnaître qu’il a su transformer le plus grand ratage de sa vie en chef d’œuvre. En novembre 1963, il monte dans le train gare de Lyon et apprend quelques minutes plus tard que Kennedy a été assassiné. Impossible de rejoindre sa radio qui a déjà dû faire partir un reporter pour Dallas. Il vaut mieux surmonter la frustration et aller passer des vacances à l’île du Levant. Il en tira un merveilleux livre « Des vols de Vanessa» où le héros rencontre dans cette île le professeur Lambert qui étudie les papillons migrateurs et notamment les Vanessa. Il se trouve que l’assassinat de Kennedy coïncide avec une migration sans précédents de ces Vanessa. Mais est-ce une simple coïncidence ? C’est le sujet du roman qui obtint le prix Interallié en 1972. Je me souviens encore de l’exaltation ressentie en le lisant cet été-là. Le jeune bachelier que j’étais s’ouvrait à la vie avec Georges Walter. C’était encore mieux que le film « Woodstock » ou que le premier voyage à Londres. Sa lecture doit suivre celle des Souvenirs où malgré le style et les tribulations on reste sur sa faim : a-t-il conclu ou non avec les mystérieuses belles femmes rencontrées aux quatre coins du monde? Là, pour le coup, c’est de la pudeur…
Georges Walter , « Souvenirs curieux d’une espèce de Hongrois » Tallandier et « Des vols de Vanessa » Le livre de poche.
Georges Walter , « Souvenirs curieux d’une espèce de Hongrois » Tallandier et « Des vols de Vanessa » Le livre de poche.
1 commentaire:
C'est bien de remettre dans le circuit le vieux walter par contreon se fout un peu de vos appréciations sur la moralité en politique
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