lundi 6 avril 2009

Le dernier film de Wajda sort enfin en France




Le dernier film du grand cinéaste polonais Wajda, "Katyn", dont nous avions rendu compte lors de sa présentation au mois de juin dernier, sort enfin sur les écrans français. Mais toujours pas en Allemagne ni en Russie. C’est que l’étranger voudrait avoir un droit de regard sur l’histoire polonaise et un peu la dicter aux Polonais. Certains accusent Wajda, dans ce film comme dans d’autres, de ne pas parler du drame des juifs de Pologne. C’est un problème que les Polonais doivent eux-mêmes régler comme nous Français réglons celui de la collaboration. Ce film, très autobiographique, commence au moment de l’invasion simultanée de la Pologne par les armées, allemande le 1er septembre, et, soviétique le 17 septembre 1939. L’abandon par la France et l’Angleterre a entraîné la défaite de l’armée polonaise. 230.000 soldats et 18.000 officiers sont faits prisonniers par les Russes à la fin du mois de septembre. Les officiers sont gardés dans des camps de rétention qui ne respectent pas la convention de Genève, dont la Russie soviétique n’était pas signataire. Staline ordonna leur mort. Environ 15.000 officiers de tout rang dont 12 généraux furent exécutés dans la forêt de Katyn (actuelle Biélorussie) au printemps 1940. Beaucoup étaient des officiers de réserve, l’élite de la nation polonaise, des ingénieurs comme des artistes, tous fiers de servir le drapeau polonais.
Le cinéaste, âgé de 83 ans, nous livre là un de ses plus beaux film, très dur, tourné avec une grande pudeur et une grande intelligence. On s’achemine vers la fin du film et le début du communisme en Pologne et on a rien vu de ces massacres terribles. Bien soulagés, on pense qu’on ne verra rien ! Avec les Polonais de l’époque nous vivons la découverte macabre par les Allemands en 43, le retour des survivants et la litanie des listes des morts par haut-parleur sur la place de Cracovie en 44, puis les récits, enfin la vérité toute nue grâce au carnet d’un officier rendu à sa veuve. L’horreur soviétique. Mais cette vérité est étouffée par les Russes qui refusent leur responsabilité et font endosser officiellement le massacre par les armées allemandes. Ce que l’occident a accepté et endossé ! Les Polonais après avoir subi les exactions et pressions allemandes doivent subir celles des Russes et des nouveaux partisans communistes. La trahison des Alliés n’est pas tant celle de 39, c’est celle de 44, de ne pas avoir porté secours en priorité à la Pologne pour lui épargner le joug russe. Dans cette nouvelle Pologne « libérée » le pays doit se reconstruire, c’est le plus important. Non, disent d’aucuns, la résistance doit guider notre action. Très beau dialogue entre deux sœurs dans les deux camps opposés. La ralliée dit à celle qui refusera de signer la déclaration reconnaissant que leur frère a été tué par les Allemands :
-Tu choisis le camp des morts, c’est sordide !
-Non, réponds la résistante, je choisis celui des assassinés pas celui des assassins. Tout le problème de cette occupation communiste est posé.
La fin est sublime dans l’horreur car elle a les dimensions du dernier acte du Dialogue des Carmélites de Poulenc. De même que les religieuses chantent en allant à la guillotine jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’une voix, les officiers sortant des camions noirs de la mort récitent leur Notre Père. Wajda les filme chacun disant une phrase de ce Notre Père ainsi reconstitué. L’émotion nous gagne, un peu de honte aussi…

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