Le cent cinquantième anniversaire de « Mireille » de Frédéric Mistral, chef d’oeuvre de la littérature provençale et poème d’amour éternel, donne lieu cette année à de nombreuses manifestations dans toute la Provence et à Sceaux, en juin. A Saint-Raphaël une passionnante exposition au Centre culturel montée par « La Rafelenco », met l’accent sur les liens entre Mistral et cette cité ainsi que sur l’opéra qu’en a tiré Charles Gounod, dans le sillage du succès de cette œuvre. « Mireio » est dédicacée en 1859 par Mistral à Lamartine avec cet envoi que je cite dans sa langue originale : « Te counsacre Mirèio, es moun cor e moun amo/Es la flour de mis an/Es un rasin de Crau qu’emé touto sa ramo/Te porge un païsan »… Je te consacre Mireille, c’est mon cœur et mon âme, c’est la fleur de mes années, c’est un raisin de Crau qu’avec toutes ses feuilles, t’apporte un paysan… Il me semble encore entendre le regretté Louis Malbos, conservateur du musée Granet, héritier de Joseph d’Arbaud nous lire ces lignes en nous enseignant Mistral, dans son bureau du Palais de Malte d’Aix qui avait alors fière allure….
Mireille selon une passionnante conférence de Pierre Fabre, ancien « capouliè » du Félibrige ,le mouvement de la renaissance provençale initié par Mistral, a connu tout de suite un immense succès en France et à l’étranger : 60 traductions aujourd’hui, c’est une œuvre étudiée dans les universités japonaises ou suédoises. Et c’est grâce à elle que Frédéric Mistral obtint le prix Nobel de littérature en 1904 ! Cette popularité jamais démentie est montrée dans l’exposition par des documents inédits retrouvés dans des collections publiques et particulières locales, dont celle de Pierre Fabre. La création de l’opéra, composé par Gounod, eut lieu au théâtre Lyrique de Paris le 19 mars 1864. Avec dans le rôle titre Mme Miolan-Carvalho, épouse du directeur de l’opéra qui avait créé le rôle de Marguerite de « Faust ». Tout ce beau monde se retrouva à partir de l’année suivante à Saint Raphaël. La station balnéaire venait d’être lancée par l’écrivain Alphonse Karr, directeur du Figaro, auteur des « Guêpes », personnalité parisienne, rival de Victor Hugo, son gendre Léon Bouyer, photographe et jardinier, l’homme d’affaires Félix Martin et un jeune ingénieur lyonnais qui venait de construire les chemins de fer d’Anatolie, Pierre Aublé, qui sera l’architecte de la ville nouvelle. Rivale de Cannes, Saint-Raphaël devient un lieu de villégiature prisée par l’empereur Pedro II du Brésil, les princes russes, et beaucoup d‘artistes comme les Carvalho chez qui Gounod séjourna ainsi qu’à l’Oustalet du capelan, chez la vicomtesse de Savigny, égérie d’Alphonse Karr. En 1865, il est à l’hôtel du Nord avec le poète Jules Barbier, son librettiste,pour composer« Roméo et Juliette ». Les Carvalho possédaient une villa à Valescure, quartier mis à la mode par quelques Anglais autour d’un golf entouré de pins parasols. Dans le cadre de cette exposition était également présenté un film "Mireille et Vincent » de 1932 qui est un mélange de l’oeuvre en français et des grands airs de l’opéra. Ce film nous montre la Camargue et la Crau dans la splendeur du noir et blanc, qui rend la beauté des sites encore plus aride et brûlante. L’opéra de Gounod est actuellement représenté à l’opéra de Marseille et le sera en septembre au palais Garnier. La chanson de Magali déclamée au milieu du poème par une vieille femme dans le cercle des travailleuses du mas, est la plus belle déclaration d’amour de toute l’histoire de la littérature. J’aime la lire le soir à voix haute, dans cette langue provençale jubilatoire et sonore. Cette exposition de Saint–Raphaël a ce mérite de nous redonner le goût de « Mireille » que l’on peut toujours lire en dehors des mille éditions anciennes, illustrées ou contemporaines dans la version bilingue des Cahiers rouges de Grasset.
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