jeudi 7 mai 2009

Moscou, la crise et la culture


Semaine hivernale à Moscou. Ce froid retarde le printemps et les Moscovites en ont marre.. Mais ils s’amusent tout de même et sortent beaucoup. La crise est là bien sur, mais on en parle moins qu’à Paris ou plutôt différemment. Elle est surtout liée, pense-t-on, au prix du pétrole et donc pas de raison de s’affoler pour le moment. Les Russes ont un peu l’impression d’être en marge de l’économie mondiale. Et l’attitude des entrepreneurs est de chercher des solutions, pas de pleurer. Plus je vais à Moscou et plus Paris a l’air d’une ville de province. Il n’y a qu’à voir les robes du soir et les bijoux du grand couturier Valentin Ioudachkine. Ou rencontrer Samanta Ripa di Meana, qui circule entre ses galeries de Moscou, Shangaï et Bruxelles. On inaugure un nouveau pub anglais à côté du célèbre restaurant français Jean-Jacques, boulevard Nikitski, mais le côté froid, inconfortable et les écrans géants de télévision diffusant les matchs de football de la League ne peuvent concurrencer la bonne bouffe et l’ambiance de brasserie parisienne de Jean-Jacques, lieu incontournable des élites moscovites. Muriel Rousseau Ovtchinnikov qui l’a conçu avait envie d'un vrai bistro parisien à proximité de chez elle .Depuis il y en a quatre autres dans la ville. Muriel est une des Moscovites les plus branchées et incontournables de la capitale où elle a filé après sa sortie des Arts déco de Paris. Elle a créé une agence de création et de communication Lieu Commun qui invente des mots russes, des dessins, des décors, des évènements… tout ce qu’elle touche se transforme en or ! Pas seulement de l’or sonnant et trébuchant, de l’or de sentiments, de rencontres, de création. Elle a fêté ses 15 ans de Moscou avec une exposition « Art to B-to Be Art » au Musée des arts décoratifs montrant sa peinture, ses porcelaines, ses photos… elle met en relation toutes sortes de gens qui lui plaisent, premier impératif ! Le vendredi soir elle organise un atelier de nu féminin pour ses amis, ses clients, des créateurs, des oligarques. J’ai participé à une séance qui se passait dans un salon où elle exposait à côté de la Galerie Trétiakov moderne. On s’amuse beaucoup et cela donne une énergie de groupe formidable. Son mari Nikolaï Ovtchinnikov est un des grands artistes russes, peintre et créateur. J’adore de lui, un petit temple grec dont les colonnes sont des troncs de bouleau. Sa vision du monde est d’un angle inconnu des autres. C’est aussi un ancien hooligan des années 80 qui avait monté avec des copains un groupe de rock interdit dont les cassettes se vendaient sous le manteau. Ce groupe donnait cette semaine un concert au Manège Impérial, la grande salle d’exposition de Moscou, au pied du Kremlin, en même temps qu’une grande exposition internationale de photos, devant un groupe de fans quinquagénaires qui se remémoraient ces grands moments du rock russe… Au musée Pouchkine, une exposition de dessins romantiques allemands et des écoles du nord, et une autre consacrée au portrait de l’Homme aux yeux gris du Titien. La maison de Gogol vient d’être restaurée, mais c’est une catastrophe : une muséographie policée, plastifiée, lisse, destinée au grand public avec vidéos et enregistrements, à tué l’âme de la maison de ce grand écrivain. Même si on est ému de voir la chambre où il mourut, son masque mortuaire, des dessins de sa maison de Poltava en Ukraine. Il y a une polémique avec les Ukrainiens pour savoir si Gogol est russe ou ukrainien et à l’occasion de la sortie d’un film tiré de son Tarass Boulba un peu modifié et très anti polonais entre les ultra nationalistes et les autres… tout le monde en parle….Le nouvel ambassadeur de France, M. de Gliniasty ne comprend pas cet acharnement de certains médias contre la Russie, Poutine, la mafia… C'est extrêmement réducteur. La culture, les sentiments, la musique, la joie de vivre sont si présents ici. Et une ville comme Moscou qui a une maison du miel où on peut déguster des dizaines de miels de toutes les parties de l’Empire, de la Toundra, des Terres noires, de la Volga, des monts Altaï… ne peut pas être une mauvaise ville.



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