jeudi 25 septembre 2008

Lettre de Sibérie (2)


Le président de la Douma de la république autonome Altaï n’hésite pas à dire, au cours d’un long et intéressant entretien précédant les cérémonies de lancement de la traduction du Petit Prince dans sa langue, que le Président Sakhachvili aurait du lire le Petit Prince car, s’il l’avait lu, il n’aurait jamais attaqué tant de victimes innocentes… je n’ai pas répondu à cette insinuation qui n’est qu’un vieux mode de comportement soviétique de la part d’apparatchiks somme toute encore très soviétiques. Et je n’en ai pas voulu à cet honorable francophone et francophile qui prépare une traduction en altaï des œuvres de… Béranger ! Car il tient cet auteur français comme aussi important que Victor Hugo, déjà traduit, et veut que ses concitoyens apprennent ses « Chansons » ! Il me cite aussi un joli proverbe altaï que Saint-Exupéry n’aurait pas désavoué : « La richesse de l’homme, c’est l’homme ».

Les Altaï sont chrétiens depuis le protectorat russe du XVIIIe siècle et plusieurs campagnes d’évangélisations dont celle du père Makarios, à la fin du XIXe début XXe, vénéré particulièrement au monastère de Saint Jean qu’il a fondé à Tchemal, sur la route de Gorno-Altaïsk vers la Mongolie. Les religieuses entretiennent aujourd’hui une chapelle en bois qu’elle ont reconstruit dans les années 2000, sur une île de la rivière Katoun. C’est un endroit magique au sommet de hautes falaises et on ne peut y accéder que par une passerelle en bois. Sœur Mikhaïla que nous rencontrons a ce beau visage radieux et sans âge des religieuses dans la lumière de Dieu. Un doux regard bleu, de belles mains et un sourire bienveillant. Elle nous conte l’histoire du monastère et commente les icônes. A quelqu’un qui demande combien il y a de religieuses, elle répond que ce n’est pas le nombre qui est important mais la prière, la force de la prière. Il y a eu plusieurs conversions et le monastère a été reconstruit sur la rive, de l’autre côté de la passerelle, par un couple d’artistes de Moscou qui a vendu son appartement et vit maintenant avec elles. Nous récitons ensemble un Notre Père, notre prière commune, sur une petite terrasse en bois derrière la chapelle, à pic sur la rivière verte dominée par l’ombre des pins noirs. Merveilleux moment de paix.

Le voyage continue vers le lac de Teleskoyé, à l’est de la république. Il s’étend sur 70 Km de long et 3 de large dans une réserve naturelle où nous passons quelques jours chez des bûcherons pécheurs qui vivent là toute l’année, sans eau, ni électricité, ni téléphone… un bateau les relie au village de Artivache, à l’autre extrémité du lac, là où s’arrête la route, cinq mois par an. Le reste de l’année le lac est gelé et ils sont sans aucune communication, mais dans un microclimat , une moyenne de - 8° l’hiver, grâce à un courant chaud qui arrive de Mongolie par une vallée et qui n’arrose que le fonds du lac. Natalia vit là avec ses fils et leurs chevaux, sa fille Katia qui arrive d’un stage aux Etats Unis dans des parcs naturels, son second mari altaï et leur petite fille. Des vaches naines paissent au dessus de la datcha, des chevaux, de l’eau fraîche des torrents qui tombent dans le lac souvent en cascades, du miel, un des meilleurs du monde et donc des ours à foison. Le soir on fait la cuisine sur le feu de camp, poissons du lac et pommes de terre à la crème fraîche, tisane d’herbes de la montagne. Les Monts Altaï sont le pays des herbes, des baumes de toutes sortes, des huiles de cèdre, de la graisse d’ours, des liqueurs de sang de bois de cerfs. Avec le miel, ils sont vendus le long des routes par des paysannes à grand sourire qui nous rassasient également en crêpes à la crème chantilly qu’elles viennent de monter et remplies de fraises, framboises et myrtilles cueillies dans les bois. Nous avons tous poussé un cri de plaisir en les dégustant… décidément l’Altaï est le pays de toutes les rencontres !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'y cours!!!!!!!!!!!!!!!!!!