La Chine est à la mode depuis plusieurs années et nous avons vite oublié que les Japonais nous ont longtemps fait peur ou rêver. L’Europe les a laissé tomber, politiquement et diplomatiquement, car économiquement ce sont souvent des adversaires. Ce peuple fascinant est mal compris, très peu connu en vérité. Nous vivons sur des fantasmes et des critères issus des romans d’Amélie Nothomb ou du film « Lost in translation ». Bien sûr, tous ceux qui ont été au Japon se sont reconnus dans les deux cas. Mais le Japon n’est pas que cette société incompréhensible et paradoxale. C’est un merveilleux pays de culture qui allie la modernité à la tradition. Tokyo est une mégalopole polluée et surpeuplée avec ses échangeurs d’autoroute de bande dessinée de science fiction, à deux pas du jardin d’iris de l’impératrice au parc Meiji qui est un des endroits les plus romantiques du monde. Le charme de la ville et du pays n’est pas donné au premier voyage. C’est comme pour la nourriture nippone, il faut être apprivoisé, mais une fois qu’on l’est, le Japon peut devenir une drogue dont on ne peut se passer. Karyn Poupée, journaliste, correspondante de l’AFP à Tokyo nous plonge dans la réalité japonaise d’aujourd’hui dans un ouvrage sobrement intitulé « Les Japonais ». Elle nous tisse un portrait de cette société qui est une très fine analyse psychologique, un brillant essai « à l’américaine » et un reportage très bien monté. C’est un livre tout simple. Partant du passé récent et se projetant dans l’avenir, Karyn Poupée nous démonte cette société, les traumatismes de la guerre perdue, l’américanisation, la montée de la puissance industrielle qui révéla un Japon qui travaille, se tient les coudes, mais surtout réfléchit et fait appel au Japon de toujours, de l’exactitude, de la politesse, de l’efficacité, de l’élégance, de l’esprit d’équipe. Car être Japonais c’est être différent du reste du monde. Supérieur par ses qualités intrinsèques que l’on retrouve dans le terme « Wa », ce qui est bon et harmonieux, l’accord idéal entre les êtres et les choses, donc par extension ce qui est propre aux Japonais, ce qui est japonais. Ajouté à un autre kanji cela le nipponise par exemple wa-daïko signifie percussions japonaises. Ce concept du Wa a entraîné un mouvement de créateurs, architectes et artisans appelé Mingei, qui signifie « artisanat populaire », nouveau concept de lignes de produits pour la vie quotidienne du peuple par des artisans ne signant pas leurs œuvres et possédant toutes les qualités de robustesse, élégance et du travail artisanal millénaire allié à la création. Il est l’objet d’une passionnante exposition au Musée du Quai Branly qui aide à mieux comprendre le Japon. Cet artisanat est ainsi défini par son créateur « être commode et d’un maniement aisé, être authentique et se révéler fiable à l’usage, nous apporter réconfort et tranquillité au fil d’une vie commune, nous devenir de plus en plus proche au fur et à mesure d’une utilisation qui se prolonge ». Pour des années plus anciennes et l’art japonais, le musée Cernuschi présente actuellement des peintures sur paravents et rouleaux sur le thème des courtisanes qui est un peu une chronique de la vie quotidienne à Edo et Kyoto ou des images d’un « monde flottant » d’or et de brume. Voilà qui nous replonge dans un Japon ancestral et une peinture dont on ne se lasse pas. Plus contemporaine est l’exposition du design japonais d’aujourd’hui à la maison de la culture du Japon, justement intitulée ; « Wa : l’harmonie du quotidien ». L’harmonie a une grande importance au Japon, comme la sensualité, mais aussi la ponctualité, le respect d’autrui, toutes choses que les Japonais ont du développer dans une nature hostile : menaces sismiques permanentes, tsunamis, volcans et typhons, aucune ressources naturelles sur ces îles montagneuses. Cela les a amené nous dit Karyn Poupée à innover en permanence : « Têtus et ambitieux, ils sont humbles par le verbe mais expriment leur fierté par leurs réalisations époustouflantes en donnant l’impression parfois de passer les limites outres du raisonnable. Le déchaînement de la nature est un puissant stimulant ». Ce livre nous donne des clefs pour mieux connaître la société nippone et réaliser que le « miracle japonais » n’est pas terminé.
Karyn Poupée, Les Japonais, Tallandier, 506 p. 25 Euros.
L’esprit Mingei au Japon. De l’artisanat populaire au design, Musée du Quai Branly jusqu’au 11 janvier.
Wa : L’harmonie au quotidien. Design japonais d’aujourd’hui, Maison de la culture du Japon, jusqu’au 31 janvier.
Images du monde flottant, Musée Cernuschi, jusqu’au 4 janvier.
1 commentaire:
Vite, tous au Japon!
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