lundi 12 janvier 2009

MALIBU A LA COMEDIE FRANCAISE

J’étais l’autre soir au théâtre français, on y jouait Beaumarchais, « Le mariage de Figaro ». Certes, on peut trouver les costumes d’époque, les décors d’un château à la campagne, chez un grand seigneur espagnol de la fin du XVIIIe siècle, un certain mélange de naturel et de masques un peu ringards. Foin des disdacalies, de nos jours ! Nous ne mangeons pas de ce pain-là, Monsieur ! On a donc beau jeu de remplacer les tenues d’époque par des survêts, des petites robes banales, mélangées à des tenues « belle époque » et des coiffures déjantées de today: c’est ça la modernité du théâtre, l‘éternité d’un texte. Que dis-je ? (Pardon…on ne dit plus théâtre, vieux jeu, beauf, ancien régime, on dit « spectacle vivant » !) L’ennui, c’est que cela s’accompagne d’une distribution assez hasardeuse. Les comédiens français d’un certain âge, Michel Robin et autres, qui ont fait la gloire de la maison nous enchantent ! C’est quand même le but du théâtre, être « enchantés » par les comédiens/magiciens qui nous emmènent dans le monde d’une histoire d’amour, dans la révolte d’un auteur, de nous y faire croire, et ensuite de nous faire réfléchir, adhérer, rejeter un texte, une pensée… Mais pour certains parmi les plus jeunes, on y croit plus : ils sont honnêtes, gentillets, bravounets mais le cœur n’y est pas, ni la voix, ni la diction et oserai-je le dire, comble de la ringardise, plus aucune liaison mais pas la moindre ! Une succession de « beaueffets » ou « pluaplaindre ». Si, je me trompe, une fois Figaro nous a affublé d’un « il join-z-à ses alarmes » du plus bel effet. On pense bien que je suis le seul à l’avoir remarqué, un si petit détail d’historien pointilleux…
J’ai tort de critiquer la jeunesse, Chérubin, était merveilleux !Mais hélas, trois fois hélas, la comtesse était à contre-emploi. Ou bien le metteur en scène avait besoin de se venger d’elle : elle se croyait dans les « Bonnes » de Jean Genêt ou tentait d’imiter une bourgeoise d’une pièce allemande d’avant guerre… non, chérie, on te demandait de jouer un des plus jolis rôles de femme du répertoire, de savoir marcher, regarder, être digne dans son malheur, mélancolique, savoir faire des niches à Chérubin, complice de Suzanne, amoureuse, nous séduire, nous charmer, nous faire rire et pleurer, d’avoir des... qu’on me pardonne …nuances… une distinction, de l’élégance, un ton. Pour cela il faudrait écouter Mozart. Sa musique seule décrit le rôle… un si vieux compositeur…
A propos de musique, je n’ai pas encore raconté le pire, la musique, car cela devient un « must » … dès qu’une scène d’amour commence, ou que cela se complique un peu, alors on nous met une tartine de musique fade, comme dans les feuilletons américains… c’était « Mariage à Malibu »… je ne dis rien du luxe des animations offertes en prime sur la scène – vide, et noire bien sur, une fois de plus il n’y a pas de décors- des accessoires, des feux, des machines, des animaux empaillés… cela doit coûter encore plus cher que des jolis costumes… Je soulignerai pour finir les passages joués dans la salle, c’est aujourd’hui monnaie courante, sans nécessité, sans doute pour faire participer la salle, pour rendre la proposition plus populaire…il n’y a plus de théâtre si on ne se jette pas dans une corbeille, si on ne crie pas quelque chose du troisième balcon, ou suspendu à un lustre…ou voudrait on faire comme au théâtre Kabuki au Japon pour mieux voir les comédiens ? Tout cela nous l’avons vu et entendu cent fois. Mais j’avoue qu’à la Comédie française, je tords encore un peu le nez. C’est un signe que ce spectacle vivant est un spectacle mort. Si on a besoin pour attirer le « populo », pour faire passer des « messages », de musique, de mises en salles, d’accessoires extraordinaires c’est que cela ne prend plus ! Alors pourquoi jouer Beaumarchais dont le texte survécut assez à cette séance, et pour le plus grand bonheur des lycéens de Stanislas présents dans la salle ? C’est prendre les gens pour des imbéciles. La modernité de Beaumarchais, sa verve, sa révolte, sont dans sa pièce et qu’on a pas besoin d’eux pour comprendre que la Révolution n’a finalement pas changé grand chose aux mœurs, sauf que ce n’est plus la dictature de la naissance, mais celle de l’argent, des énarques et des….cultureux…

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