vendredi 20 mars 2009

La vie d'une femme




La vie de Madame de Maintenon est un sujet de roman. C’est bien ce qu’avait ressenti Françoise Chandernagor quand son éditeur lui avait confié ce projet de biographie. Elle eut tout de suite l’envie d’écrire « ses » mémoires, de se glisser sous sa capuche noire, ses fontanges et ses dentelles et de devenir cette Françoise d’Aubigné, si décriée. Son éditeur, peu confiant, lui dit « Vous ne tiendrez pas 500 pages». Elle a tenu. Le style et le ton lui sont venus tout de suite et l’estime des historiens, accompagné d’un formidable succès de librairie, a suivi la publication de « L’allée du Roi ». Une adaptation à la télévision, une première transposition au théâtre avec Geneviève Casile il y a quelques années précèdent la reprise de ce spectacle au théâtre Daunou avec Marie-Christine Barrault qui l’a déjà fait un peu tourner autour de Paris.
Pendant deux heures et quart, nous voyons naître, grandir, aimer, gémir, Françoise d’Aubigné, la veuve Scarron, la mendiante, la protégée des grandes dames, la maîtresse de bien des grands, puis la gouvernante des enfants de Louis XIV et de Mme de Montespan, la protectrice de Saint-Cyr, la marquise de Maintenon surnommée Madame de Maintenant, l’épouse morganatique du Roi haie par Saint-Simon. Elle naquit au monde le soir d’une violente dispute avec Mme de Montespan, qui lui reprochait avec hargne sa pauvreté, et d’avoir trompé son mari estropié, ce à quoi sa veuve lui répondit « Qui n’a jamais péché me jette la première pierre ! » Pour éviter la fureur de la maîtresse royale, elle demanda au Roi la permission de se retirer. Le Roi lui accorda en lui disant haut et fort devant toute la cour : « Je vous sais un gré infini de toutes les choses que vous faites pour mon service… Madame de Maintenon… » la nommant ainsi pour la première fois, effaçant l’infamant « veuve Scarron » et lui marquant l’attachement qu’elle pressentait depuis un moment déjà. Devenue sa maîtresse au bord de la fontaine du château de Saint Germain, au cours d’une scène imaginée bien sur par Françoise Chandernagor, où Marie-Christine Barrault nous représente, et Madame de Maintenon et le Roi, elle franchit toutes les étapes de ce parcours presque sans faute qui la conduisit aux marches du trône… Marie-Christine Barrault n’interprète pas Françoise Chandernagor, elle est Mme de Maintenon. Nous sommes des voyeurs de son âme et de son cœur. Une vie se déroule devant nous, la vie. Nous goûtons un plaisir que nous donne seuls les bons textes et les grands comédiens. Le portrait en ombre chinoise de Louis XIV nous révèle le sens qu’il donnait à ses devoirs et à son pouvoir. Les spectateurs sanglotent quand elle raconte et joue la mort du Roi.
Marie-Christine Barrault est une comédienne généreuse et qui sème le bonheur qu’elle a récolté tout au long d’une vie remplie de belles histoires et répand autour d’elle l’énergie que Dieu lui a donné. Elle lui rend d’ailleurs souvent grâce dans de nombreux spectacles et lectures qu’elle enchaîne en France, en Suisse ou en Belgique. Comme au théâtre Daunou, il faut se retourner dans la salle pour voir le sourire des spectateurs, leur enthousiasme et leur adhésion. Car c‘est cela le théâtre, nous raconter une histoire à laquelle on croit en retrouvant notre âme d’enfant et nous donner envie, sortant, de lire ou relire Jean de la Croix, Saint-Exupéry ou George Sand.

« L’allée du Roi », de Françoise Chandernagor, mise en scène de Jean-Claude Idée, avec Marie-Christine Barrault, au théâtre Daunou, 7 rue Daunou, 75002 Paris, du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 17h et le dimanche à 15h30.

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