mercredi 23 avril 2008

Ecrits et chuchotements 6

Quand on cherche Tibet dans un ouvrage ou dictionnaire ancien, on trouve souvent à « Thibet ». Depuis 1642 la contrée relève de la Chine : un officier général chinois réside à Lassa… les principaux animaux du pays sont le daim musqué, le kiang (cheval sauvage), l’yak (bœuf à queue de cheval), et la chèvre, dont le duvet sert à fabriquer les châles du Cachemire, lit-on par exemple dans le Dictionnaire général de biographie et d’histoire de géographie ancienne et moderne comparée de Dezobry et Bachelet, paru en 1861.
Le Grand Dictionnaire historique de Louis Moreri , illustre historien provençal et aussi docteur en théologie, nous donne une description de voyageurs des années 1625. On y apprend que le Tibet est un « royaume de la grande Tartarie (entre) vers le septentrion la vraie Tartarie et la Tartarie déserte, vers l’orient le Kangu et le Cataï, au midi l’Inde et à l’occident l’Usbek. Plusieurs disent que c’est une partie du Turquestan ; d’autres assurent que le Tibet est lle pays même qu’on nomme Turquestan, vers les montagnes qui environnent ce royaume et qui sont toujours couvertes de neige. Il y fait un grand froid pendant six ou sept mois de l’année et on y fait provision de viande pour ce temps là, en tuant au commencement de novembre grand nombre de vaches et de moutons pour les saler.


Les Tibétains connaissent exactement leurs lois et punissent les criminels avec beaucoup de rigueur, ils leur font d’abord couper le pied droit et crever un œil ; deux jours après ils leur font couper l’autre pied et crever l’autre œil ; et s’ils n’en meurent point ils leur font couper les deux mains. Ils ont de l’aversion pour la loi de Mahomet et ne veulent point être appelé gentils. Leurs prêtres se nomment Lamas et suivent une même religion, quoi qu’il y ait des différentes cérémonies et coûtumes. Il y en a qui se marient, plusieurs gardent le célibat et quelques uns vivent en communauté sous des supérieurs : ils vivent tous d’aumônes qu’ils vont quêter, quoiqu’il y en ait parmi eux qui soient fort riches. Ils croient que Dieu est triple et unique. Ils appellent la première personne divine Lama conjoc ; la seconde cho conjoc ; la troisième sanguya conjoc. Ils croient qu’il y a un paradis pour les bons, et un enfer pour les méchants. Ces Lamas ont une cérémonie de bénir de l’eau, en faisant des prières qu’ils lisent dans un certain livre qu’ils estiment fort et en mêlant avec cette eau de l’or, du corail, et des grains de riz ; ils jettent après de cette eau dans les maisons, pour en chasser les démons. Ils vont encenser aussi les maisons des rois et se font attribuer la guérison de plusieurs maux et plusieurs autres opérations superstitieuses. Leurs temples ne sont ouverts au peuple que deux jours de l’année ; mais les lamas y vont fort souvent et y demeurent même quatre ou cinq mois, pour prier et faire des conférences sur les matières contenues dans leurs livres ; ils sonnent des trompettes de métal pour appeler le peuple au temple. Ils boivent dans des cranes pour se souvenir de la mort et ils ont des manières de chapelets faits d’os de morts». On voit ainsi que les Chinois ont bien raison de punir de tels fanatiques, superstitieux et cruel qui menacent la sécurité du monde. On voit aussi qu’au début du XVIIe siècle, on était aussi bien renseigné qu’aujourd’hui. Merci à tous ces étonnants voyageurs du passé, devanciers d’Alexandra David-Neel.