mercredi 20 août 2008

Mazarin : Le succès d'un livre

Le « Mazarin » de Simone Bertière est un livre de la rentrée dernière, vendu à plus de 30.000 exemplaires. Pour un livre d’histoire, c’est un grand succès. La figure de Mazarin serait-elle actuelle ? On surnomme le conseiller du président, Claude Gueant, le « Cardinal » à l’Elysée et le Mazarin du pauvre dans la presse…. Sans doute a-t-il lu cette biographie ? Mais, plus sûrement, le « Bréviaire des politiciens », réédité aussi l’année dernière, attribué au cardinal. C’est vrai que le programme de l’auteur correspond bien au président, comme l’écrit Umberto Eco dans la préface de « ce véritable manuel en vue de la théâtralisation totale du self. Il se dessine ici une idée de profondeur psychique toute entière faite de superficialité ».
Ce qui fait le succès de Simone Bertière avant tout est la qualité de ce livre. Sa démonstration est parfaite : Mazarin a été le promoteur de l’ œuvre de Richelieu. Sans Richelieu, pas de Mazarin, mais sans Mazarin, l’œuvre de Richelieu aurait fait naufrage. L’actualité de Mazarin tient aussi à l’infléchissement de la politique étrangère de la France. Richelieu refusant l’idée de monarchie universelle de l’Espagne, avait prévu l’équilibre européen en deux blocs se neutralisant. Mazarin a remplacé la notion de blocs par l’idée très moderne d’une Europe, non pas de nations, qui n’existait pas, mais de tous les états, petits et grands, associés à la paix et liès par des conventions et des traités qui empêcheraient la reprise de la guerre. Car la guerre ne pouvait être qu’européenne, comme aujourd’hui elle ne peut être que mondiale. Simone Bertière nous livre aussi un être humain qui joue, prend des paris, étudie ses adversaires, esquive, promet, reprend, en un mot gouverne et remet la France en ordre pour le jeune roi Louis XIV. On est loin du traître et fourbe italien dissimulé d’Alexandre Dumas et consorts. Elle est parfois un peu partiale mais sourit-elle « Il a tellement été vilipendé ! » L’auteur nous explique comment et pourquoi Anne d’Autriche et Mazarin ne peuvent pas avoir été amants. On est loin du téléfilm en préparation avec Philippe Torreton sur la « passion dévorante » de Mazarin. Il est vrai que les reines de France n’avaient pas à leur disposition de magazine féminin pour leur expliquer ce qu’elles attendaient de leur partenaire… A cette admirable psychologie s’ajoute l’art de la narration, de l’explication claire et raccourcie qui nous fait enfin comprendre la Fronde, le Jansénisme, la dissimulation de Louis XIV. Ce sont comme des éclairs, en lisant Simone Bertière on devient intelligent et savant. Pourtant elle n’est pas historienne, mais professeur de littérature. Mariée à André Bertière qui écrivait une thèse sur le cardinal de Retz mémorialiste, elle l’a aidé dans ses recherches, puis a soutenu sa thèse a titre posthume en 1976. Simone Bertière a continué en publiant de nombreux articles, une édition des Mémoires de Retz aux Classiques Garnier, puis une biographie qui vient d’être réimprimée. Côtoyer si souvent Mazarin lui a donné l’idée d’écrire sa biographie.
Et puis il y a le style. Elle dit elle-même que le style parfait est celui qui ne se remarque pas, celui qui s’efface devant le sujet. Mais ajoute-t-elle « Je me relis beaucoup…cela ne vient pas tout seul ». Cette femme déclarée « scientifique » au cours de ses études a l’esprit clair et étudié les techniques narratives. Ce sont toutes ces qualités qui ont fait jouer le bouche à oreille, plus encore que les nombreuses et louangeuses critiques ou que la tournée de conférences et signatures pendant 9 mois dans toute la France. Ses lecteurs sont avant tout des lectrices qui avaient apprécié sa série des Reines de France et surtout Marie « Antoinette l’insoumise ». A tous ceux qui ne l’ont pas encore lu, courez acheter votre Mazarin !


Simone Bertière, Mazarin, le maître du jeu, Editions de Fallois, 24 Euros.
Cardinal Mazarin, Bréviaire des politiciens, Arléa, 7 Euros.